• La Corse a(l)titude

    Corse a(l)titude !

    Comment omettre l’importance des mots lorsque l’on sait que cette omission laisse la voie libre aux stéréotypes, amalgames, présupposés, préjugés et sophismes de toutes plumes qui clôturent la pensée ? Il faut souligner l’ampleur et la gravité de leurs effets pervers qui entretiennent l’imaginaire collectif dans ce qu’il a de plus conservateur pour ne pas dire rétrograde. En Corse, les mots ont acquis et gardé toute leur importance car le peuple corse a une vieille tradition orale. Elle remonte à la nuit des temps.

    La Corse a(l)titude Connaissez-vous la Corse ? Oui ! une île paradisiaque, aux plages ensoleillées, à la nature vierge et peuplée de machos impertinents et de terroristes chevronnés, où l'on pratique la sieste autant que le racket. Caricatures outrancières !

    Les Corses ont été caricaturés par des écrivains célèbres qui n’ont vu sur l’île que de l’exotisme pour donner une large part à l’anecdote. Dans un de nos précédents articles, nous avons livré " Histoire corse " une nouvelle de Guy de Maupassant. On y lit l’extrait qui suit : « Gendarmes éventrés par les sauvages paysans de cette île, réfugiés dans la montagne à la suite de quelque vendetta. Le légendaire maquis cache en ce moment, d’après l’appréciation de MM. les magistrats eux-mêmes, cent cinquante à deux cents vagabonds de cette nature qui vivent sur les sommets, dans les roches et les broussailles, nourris par la population, grâce à la terreur qu’ils inspirent. Je ne parlerai point des frères Bellacoscia dont la situation de bandits est presque officielle et qui occupent le Monte d’Oro, aux portes d’Ajaccio, sous le nez de l’autorité. La Corse est un département français ; cela se passe donc en pleine patrie ; et personne ne s’inquiète de ce défi jeté à la justice. Mais comme on a diversement envisagé les incursions de quelques bandits kroumirs, peuplade errante et barbare, sur la frontière presque indéterminée de nos possessions africaines ! Et voici qu’à propos de ce meurtre le souvenir me revient d’un voyage en cette île magnifique et d’une simple, toute simple, mais bien caractéristique aventure, où j’ai saisi l’esprit même de cette race acharnée à la vengeance. »

    Nous avons retrouvé chez Henri Ceccaldi alias Diogène, un article plein d’humour qui pourrait être une réponse aux poncifs malveillants qui font de la Corse un lieu de criminalité. Il s’agit d’un article tiré de la chronique " Le coin de Diogène " tenue par Henri Ceccaldi jusqu’en 1960…

    Doulce Corse - article du 17 janvier 1955

    La lecture de la presse continentale de la semaine dernière a dû donner des cauchemars aux personnes sensibles : assassinats, suicides meurtres, accidents ont rempli des colonnes entières. La sauvagerie et la démence ont particulièrement illustré ce début de l’année 1955. Aussi n’ai-je pu m’empêcher de commenter en vers ces nombreux faits d’hiver.

    Tandis qu’au-delà de la mer

    On peut voir : des meurtres de fous,

    Accidents de chemin de fer,

    Coups de feu de maris jaloux

    Femmes tuant à coups de hache

    Jeunes gens à coups de couteau

    Chez nous on n’est pas aussi lâches

    Pour voir ça, prenez le bateau.

    Un gamin tuait sa marâtre

    Quand elle avait le dos tourné

    Un ivrogne ne faisait que battre

    Son épouse et son nouveau-né,

    Ici, il n’y a que je sache

    De ces modèles de salauds ;

    Chez nous on n’est pas aussi lâches

    Pour voir ça, prenez le bateau.

    Ailleurs on voit des coupe-gorges

    Pleins de voyous, de sans abris

    Ici les seuls que l’on égorge

    Sont les cochons et les cabris

    Partout on trouve des apaches,

    Dans les taudis, dans les châteaux ;

    Chez nous, on n’est pas assez lâches

    Pour voir ça, prenez le bateau.

    DIOGENE.

     

    Ce sont les idées reçues qui pourrissent les relations entre l'île et le ContinentA la question " Peut-on se moquer des Corses ? ", nous répondrons " oui " mais il y en a marre. Depuis trop longtemps, les Corses sont victimes des mots. Ils pratiquent eux-mêmes l’autodérision, contrairement à beaucoup de leurs détracteurs. Ils ne craignent donc pas le portrait humoristique mais doivent encaisser depuis des années des vérités fabriquées et entretenues par la haine. Le magazine mensuel Corsica de janvier 2008 a voulu dresser une liste des faux maux dont on les affuble, en donnant 49 raisons pour laisser tomber les idées reçues sur la Corse et les Corses. Nous y avons trouvé, parmi les clichés les plus tenaces (peut-être parce qu'il touche davantage les portefeuilles que les esprits), le suivant : L'État a multiplié les efforts en Corse.  Ah, que la République est bonne fille avec ces ingrats Corses !

    De quel côté est l’ingratitude ? Sans remonter trop loin, il faut rappeler que Le 15 mai 1768, la République de Gênes vend la Corse à la France pour la somme de 2 millions de livres payables sur dix ans. Vendus sans avoir appartenus à personne, les Corses sont indignés et se révoltent contre cette décision. Ils déclarent la guerre contre les troupes du roi de France. Après leur victoire à Borgo le 6 octobre 1768, Louis XV emploie les grands moyens et envoie une armée de trente mille hommes. Des villages entiers sont rasés et de nombreux Insulaires sont tués. Grâce à la disproportion des moyens engagés par l’envahisseur, les Corses sont défaits à Ponte Novu le 9 mai 1769. On ne peut pas parler d’un mariage d’amour lorsqu’il s’agit d’une annexion réalisée dans le sang d’un peuple acheté comme un troupeau avec le pâturage.

    Par la suite, la Corse a encore perdu des milliers d’hommes " morts pour la France " dans les deux grandes guerres. Notamment, lors de la guerre 1914-1918, 9.739 Poilus nés en Corse sont morts pour la France (presque 25% de la population masculine corse). A cette époque, les Corses étaient le plus souvent affectés dans des troupes coloniales et c’est tout un symbole. Pendant longtemps, nombre de Corses n’ont eu pour débouchés professionnels que des carrières militaires et administratives. Les jeunes Corses devaient faire leurs études sur le Continent avec les déchirures familiales et les sacrifices financiers que cela occasionnait pour, finalement, s’expatrier. Tout a été fait pour que l’assimilation soit complète. En ajoutant les expatriés aux morts pour la France, le bilan de la Corse française apparaît catastrophique sur le plan humain.

    Historiquement, il a bien fallu admettre que les Corses ne sont pas les descendants des Gaulois ! Devant cette évidence pourtant historique, l’Etat français avait voulu effacer l’histoire de la Corse (devenue celle de la France), et ne veut encore voir dans la culture corse qu’un folklore régional. Malgré les sacrifices des deux guerres, la Corse a toujours fait l’objet de méfiance et de sarcasmes. Pour exemple, la loi Deixonne (qui admet en 1951 l'enseignement facultatif des langues dites régionales) na été étendue à la langue corse que tardivement en 1973. Il suffit d’écouter les médias nationaux et, sur Internet, de lire les commentaires des Franchouillards anonymes pour y trouver le racisme rampant dont la Corse est toujours la cible.

    Les vrais amis de la Corse savent que les gouvernements français n’ont pas toujours appliqué la devise républicaine à la Corse (L’ont-ils appliquée sur le Continent ? C’est un autre débat). Les gouvernants successifs n’y ont favorisé souvent que l’affairisme de quelques-uns, comme ils l’ont fait en Afrique de façon plus voyante. Peut-on penser sérieusement que les mouvements autonomistes et indépendantistes sont nés dans une région trop bien traitée par le pouvoir central et ses Jacobins ?

    Des journalistes corses regrettaient ou dénonçaient déjà, après la guerre de 1939-45, la diabolisation de la Corse et la politique continentale de type colonial, relayée par la complicité de certains élus qui pratiquaient la brosse à reluire. A l’époque, quatre grands titres de Journaux couvraient l'île : " le Journal de la Corse" à Ajaccio, "L’informateur " et "Le Petit Bastiais" à Bastia , enfin le "Patriote" représentants les communistes. A ceux-là, s'ajoute l'hebdomadaire dominical du parti communiste "Terre Corse". Il faut aussi citer " U Muntese ", revue bilingue créée en 1955 et fermée en 1972. D’autres ont disparu avant 1940 comme Muvra, L’annu Corsu, A tramuntana, l’Ile.

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